Se battre, ne jamais renoncer.

Sa main dans la mienne. J'aimerais pouvoir la garder toute ma vie. Je la serre doucement, je n'ai pas envie qu'il s'en aille. Je n'ai pas envie qu'il aille la retrouver. Je n'ai pas envie qu'il me laisse... Encore. Il le sent, ça se voit. Mais il n'a pas le choix. Quoi qu'on en dise, je l'ai compris, on a pas toujours le choix, c'est faux.

Et je suis dans l'attente, je reste dans l'attente. Quand il n'est pas là, je ne souris pas. Je m'entraîne seulement sans relâche. Devenir plus forte. Toujours plus. Ça renforce aussi mon moral, et j'en ai besoin. La hache fend l'air dans mes mains, elle est de moins en moins lourde pour moi. Mon instructeur en sera ravit. Moi, je ne sais pas vraiment. J'essaye de me persuader, que tout finira par rentrer dans l'ordre, que mon erreur sera pardonnée et effacée...

Soudainement, j'écarquille les yeux. La hache fend l'air, mais elle n'est plus dans mes mains. Elle vole, et finit par se planter dans le sol. Incrédule, je le reste quelques secondes. Avoir la tête ailleurs ne me réussit pas. J'avance, afin d'aller la récupérer. Un pas, puis un autre... Et je me fige. Posant une main sur mon ventre. Il ne faut pas que j'y pense. Il faut que j'oublie. C'était ma décision, pour ne pas l'enchaîner plus qu'il ne l'est déjà. Je ne suis pas comme la « bâtarde », je suis plus forte. Je n'ai pas besoin qu'on me prenne en pitié...

Mais alors, pourquoi je pleure toute seule, debout devant ma hache ? Pourquoi mes mains tremblent à chaque fois que je pense à cet enfant que j'aurais pu porter pendant neuf mois ? Cet enfant qui aurait été le fruit de notre amour si idéal... Cet amour qui n'existe plus. Ou qui du moins, est emprisonné quelque part, à cause d'elle.

Comment peut-il dire qu'il l'aime, et m'aimer aussi ? Il s'est engagé, et je représente maintenant un danger pour lui. Parce que je l'aime. Comment l'amour peut-il apporter autant de tourments ? Pourquoi pardonne-t-on les erreurs des autres, et pas la mienne ? Pourquoi n'ai-je pas droit à cette petite chance ? Pourquoi...

Une main se pose sur mon épaule. Ferme et robuste. Une seconde vient empoigner ma hache, la faisant décoller du sol comme s'il ne s'agissait que d'une simple plume.

« Ce n'est pas à pleurer, que je t'apprends. »

Je ferme les yeux un instant. Il a raison, mais ma peine est grande. Docilement, je rehausse le regard, essuyant les larmes coulant sur mes joues. Le Roegadyn est fier. C'est une véritable montagne, et il s'accroupit, appuyé sur ma petite hache, se mettant à mon niveau.

« Raconte-moi, ce que tu as enduré. Raconte-moi, comment tu as fais. »

Il parle de mes yeux, évidemment. Je n'ai encore parlé à personne de ce périple. Peut-être en serait-il temps ? Il est mon instructeur, après tout. Il est là pour m'apprendre. Peut-être attend-t-il de savoir, pour me donner une leçon ? Lentement, mes yeux se posent sur le sol. Je ne pleure plus, je grimace juste un peu.

Et je lui raconte. Les deux semaines de douleurs, où mes yeux n'ont fait que saigner. Où je pensais que tout allait se terminer. Et que finalement, j'ai commencé à voir le monde à travers ces yeux teintés de sang. Je lui raconte. Ce que le mage noir m'a fait faire. Cette chair à canon que j'ai été. Cette meurtrière que j'ai du être, pour pouvoir rentrer chez moi. Me battre pour ma survie, et pour celle de l'être naissant que j'ai du au final, tuer également.

Je lui raconte. La gifle que j'ai eu de la part de Naruh. Sa détresse quand j'ai réussis à lui dire, que j'attendais un enfant mais que j'avais avorté, car je l'avais perdu lui. Je lui raconte cette peur que j'ai d'affronter Yriah. Ce désir que j'ai de pouvoir le retrouver. Et celle qui s'est imposée entre nous. Je lui raconte, que je ne sais plus pourquoi je m'entraîne, maintenant que je n'ai plus rien de ce que je désirais. Et... Je m'écrase au sol, quelques mètres plus loin. La douleur sur ma joue est vive.

Je viens de me faire gifler par un Roegadyn. Par mon instructeur. Et j'en suis... Même pas sonnée. A terre, je me redresse un peu sur mes mains, jetant un regard en arrière, vers lui. Mais je tombe nez à nez avec le tranchant de ma hache, si bien que je sens le sang dégouliner légèrement sur mes lèvres. J'ai du m'entailler un peu...

« Tu veux mourir, c'est ça ? »

Je cligne des yeux. J'aurais aimé lui dire « oui ! » fièrement, catégorique... Mais à la place, c'est un « Non... ! » qui s'échappe de mes lèvres. Il laisse tomber la hache sur le sol.

« Alors, tu sais pourquoi tu te bats, maintenant. »

J'en reste muette. Mais il a raison. Je sais pourquoi je me bats. Jusqu'à mon dernier souffle, je le protégerais comme il a su le faire avec moi. Sa vie est tout ce qui m'importe. La sienne, et celle d'Yriah. Et je me battrais, pour ne pas qu'il m'oublie, qu'il oublie nos souvenirs. Car je suis bien vivante, bien là. Et je ne compte pas baisser les bras. Plus maintenant.

Empoignant ma hache, je me remets debout. Étalant plus qu'essuyant le sang sur mon visage.

« Apprenez-moi à tirer profit de ma rage, maître. »

Parce que je l'aimerais jusqu'à mon dernier battement de cœur. Parce que je veux qu'il cesse de me laisser. Parce que je ne suis plus une enfant. Je me battrais.